causes communes 11

Je fais un don Recevez les actualités menu

Les actus

Un nouvel article du Média des Bonnes Nouvelles sur la coop "Les Jardins de la Haute-Vallée" !

Posté le 2 août 2022
Merci à Aurélien Culat, qui porte ce média, de nous adresser un nouvel article. Nous en profitons pour vous informer que ce média local et alternatif que nous soutenons depuis les début de l'association se transforme doublement cette année ! Il deviendra en novembre prochain un journal papier et il changera de nom pour devenir "L'Audacieux", avec pour sous-titre : "Solutions locales pour inspirer demain" ! Nous sommes ravis de cette nouvelle étape qui ne manquera pas de nourrir les actions et les réflexions d'ici et d'ailleurs. Mais pour l'heure, place à la présentation d'une coopérative qui a plus de 30 ans...

La coop qui conserve les petites producteurs

À Couiza, dans le sud du département, des petits producteurs ont mis au pot commun pour s’offrir un atelier de transformation. Après 30 ans d’existence, cet outil d’autonomie est utilisé par 300 coopérateurs !

De sa gigantesque cuillère en bois, Jeanne mélange les quartiers de pommes fumants, penchée au dessus de l’énorme marmite. A ses côtés, Nadine verse avec précaution les fruits déjà cuits dans l’affineuse, et la purée homogène qui en sort exhale le parfum des coings qui se sont invités dans la future compote. Les deux amies sont seules dans la cuisine. Le bruit des machines enveloppe la scène, les plans de travail en inox et le carrelage blanc brillent sous les néons. Tablier, charlotte et bottes blanches : Jeanne a la panoplie de la professionnelle de la conserve. Pourtant ici rien n’est à elle, sauf les fruits qu’elle est venue transformer. Cet atelier, ça nous a permis de nous lancer dans une activité qu’on aurait jamais entreprises toutes seules, assure-t-elle. Ici, on peut utiliser à moindre coût du matériel très onéreux - un peu vieux pour certains appareils, mais tout à fait fonctionnel. Olivier passe un œil dans la cuisine pour s’assurer que tout va bien. Coordinateur de la coopérative Les Jardins de la Haute Vallée, sise à Couiza, dans le sud de l’Aude, il est l’un des anges gardiens de cet outil collectif lancé par les petits producteurs eux-mêmes, et qui permet à Jeanne d’empoter le fruit de son travail.

Au four et au moulin : Jeanne et Nadine s’activent, entre le chaudron et l’affineuse, pour cuire et réduire les fruits en compote. ©Thomas Louapre
Au four et au moulin : Jeanne et Nadine s’activent, entre le chaudron et l’affineuse, pour cuire et réduire les fruits en compote. ©Thomas Louapre
L’atelier garde un échantillon de chaque transformation pour les contrôles sanitaires. La diversité des pots et bouteilles témoigne de la créativité des 300 coopérateurs. ©Thomas Louapre
L’atelier garde un échantillon de chaque transformation pour les contrôles sanitaires. La diversité des pots et bouteilles témoigne de la créativité des 300 coopérateurs. ©Thomas Louapre

L’atelier est né en 1992 de l’envie d’une douzaine de producteurs en polyculture qui souhaitaient diversifier leurs activités et créer de la valeur ajoutée, raconte Olivier. 30 ans plus tard, la coopérative compte 300 membres, dans l’Aude et ses départements limitrophes, terre de petits producteurs, entre Corbières et Pyrénées. Des maraîchers, vignerons et arboriculteurs qui se relayent chaque jour pour venir fabriquer jus de raisin, pâtés végétaux, tartares de spiruline et autres confitures de fraise. Seuls trois employés, en temps partiel, assurent les tâches administratives et les conseils techniques, afin d’alléger les coût d’utilisation de l’outil collectif. La richesse de cet atelier, c’est le producteur, explique Olivier. Il arrive le matin avec sa matière première, il va mettre en œuvre sa transformation et va repartir le soir avec sa production pasteurisée, qu’il va vendre lui-même sur un marché ou à la ferme. Sur la partie jus de fruits il y a toujours un technicien présent pour accompagner les producteurs, mais sur la partie conserves ils peuvent assez rapidement devenir autonomes et travailler tout seuls.

Jeanne et Nadine en sont à la mise en pot. Avec une patience infinie, il s’agit de calibrer l’empoteuse, puis de repasser, petite cuillère à la main, pour ôter ou rajouter quelques grammes à chaque contenant.

L’ambiance est joyeuse. Deux amies ont rallié l’équipe : entre l’évier en inox et le plan de travail, Marie-Christine lave le basilic que Sarah hache, libérant ses arômes pour annoncer la préparation d’une riste d’aubergine. Tous les produits du jour viennent du jardin des quatre amies. Depuis une douzaine d’années, avec leur association Femmes en mouvement, elles se retrouvent pour appliquer à un bout de terrain les principes de la permaculture et de la coopération bienveillante.

L’activité a évolué le jour où la production exponentielle du potager a largement comblé les besoins des jardinières, de leurs familles et de leurs amies. On avait le sentiment que c’était du gâchis, on arrivait pas à écouler notre stock ! assure Jeanne, qui s’est alors lancée, en autoentrepreneuse, dans la vente de légumes frais et de conserves pour apporter un complément de revenus à son mi-temps d’institutrice. Avec le regard bienveillant et les coups de main enthousiastes de ses aînées de l’association. Les Jardins de la Haute-Vallée sont arrivés à point nommé pour m’aider à me lancer, explique Jeanne, dont la production avoisine les 1000 pots par an. Poivronade, soupe, pâté végétal et riste y cohabitent avec la compote pomme-coings.

La production est ici semi-artisanale. Jeanne et Nadine ajustent elle-même la quantité de compote de chaque pot. ©Thomas Louapre
La production est ici semi-artisanale. Jeanne et Nadine ajustent elle-même la quantité de compote de chaque pot. ©Thomas Louapre
Le maniement des imposantes machines comme l’autoclave se fait progressivement, chaque coopérateur étant accompagné par un technicien de l’atelier. ©Thomas Louapre
Le maniement des imposantes machines comme l’autoclave se fait progressivement, chaque coopérateur étant accompagné par un technicien de l’atelier. ©Thomas Louapre

C’est justement le moment pour cette dernière de passer à l’autoclave, une machine des années 1990 mais qui semble sortie d’un roman de Jules Verne, avec son cuivre patiné et ses manomètres. Les pots sont chargés dans un grand panier en métal, soulevé et mis dans l’autoclave à l’aide d’une poulie. Olivier répète chaque geste à Jeanne avant de lui confier les rênes de l’opération. Elle rabaisse le lourd couvercle avec l’aide de Nadine, avant de le fermer hermétiquement et d’allumer la machine, non sans une petite appréhension. Au fil des journées passées à l’atelier, les gestes deviennent plus sûrs et précis. Ce qu’apprécient nos coopérateurs, c’est le fait que ce soit un atelier collectif, où ils vont pouvoir échanger et s’enrichir, explique Olivier. Il y a aussi autre chose : certains décident d’aller ailleurs, dans des ateliers privés, mais on en voit beaucoup revenir quelques années après. Parce qu’ à Couiza, c’est eux qui transforment, ils suivent leur produit du début jusqu’à la fin, et c’est plus facile pour en parler ensuite sur le marché à leurs clients. Jeanne, qui tient un stand au marché du dimanche dans la ville voisine d’Epéraza, connaît en effet sa production sur le bout des doigts : pour la confiture, on a dénoyauté toutes les cerises à la main, on y a passé des soirées ! raconte-t-elle dans un sourire. D’ailleurs, on appelle ça « Délice de cerises », car on met moins de sucre que dans les confitures, et on cuit le moins possible pour préserver les arômes. Ses clients n’imaginent pas le pot qu’ils ont.